Le contexte
Le droit de l'environnement constitue l'un des instruments essentiels de mise en œuvre des politiques publiques nationales environnementales dans la perspective du développement durable. Il inclut les règles visant à encadrer les comportements humains pour une meilleure protection de l'environnement ainsi que les institutions chargées de leur mise en œuvre.
Photo: Arthur F. Sniegon/Wikimedia Commons, destruction de cornes d'ivoire à Brazzaville (Congo)
Le nouvel élan que connaît la gouvernance mondiale de l'environnement ramène au cœur des préoccupations l'épineuse question de l'effectivité du droit de l'environnement. La problématique de l'effectivité du droit de l'environnement s'insère de plus en plus profondément dans les débats académiques et professionnels en droit de l'environnement, et suscite un certain nombre d'analyses variées, des plus empiriques aux plus théoriques, toutes cherchant à qualifier, voire à quantifier le degré d'effectivité des instruments légaux et juridiques visant à la protection de l'environnement. Le champ du droit de l'environnement reste donc encore majoritairement l'un de ceux où l'écart entre l'existence de la norme et la réalité de son application est le plus grand, et dont les effets sont au quotidien les plus ressentis. Malgré ce rôle majeur, le droit de l'environnement demeure encore largement ineffectif dans les pays francophones, tant et si bien que l'environnement continue à se dégrader progressivement malgré l'existence d'un arsenal juridique impressionnant. Si les causes de cette situation sont multiples et incombent en partie à tous les acteurs intervenant dans le domaine de l'environnement, il convient de mentionner parmi ces dernières la méconnaissance du droit de l'environnement par les personnes chargées de son application, à savoir les juges.
Cette volonté de revaloriser le droit de l’environnement intervient à un moment où dans de nombreux pays l’avalanche de textes en la matière conduit certains à critiquer une écologie soi-disant « punitive » et de préconiser la suppression ou la simplification excessive des textes conduisant, dès lors, à une régression par rapport aux apports et aux ambitions des politiques de l’environnement des années 1970-1990. Pour mesurer cette régression menaçante du droit de l’environnement, il est nécessaire de pouvoir afficher les réussites et les progrès que le droit de l’environnement apporte. Or, à l’heure actuelle, les bilans officiels des politiques d’environnement à travers des rapports et études sur « l’état de l’environnement » ne permettent pas de rendre compte ni de l’existence ni de l’effectivité des textes de droit de l’environnement.
De la proclamation du développement durable au droit du développement durable, en passant par le droit à un environnement sain, il y a eu beaucoup d’évolutions.En effet, la vitalité normative et institutionnelle attachée à la branche du droit de l'environnement, qui a par ailleurs été utile à la construction du corpus juridique extrêmement riche et varié, laisse aujourd'hui place au constat d'une faible effectivité du droit de l'environnement. Le champ du droit de l'environnement reste donc encore majoritairement l'un de ceux où l'écart entre l'existence de la norme et la réalité de son application est le plus grand et dont les effets sont au quotidien les plus ressentis. Et pourtant, on ne peut dénier qu'au fil des années, le droit de l'environnement a eu des retombées positives dans plusieurs domaines. De la proclamation du développement durable au droit du développement durable, en passant par le droit à un environnement sain, il y a eu beaucoup d'évolutions. Si les progrès de la coopération internationale sont notables, l'application nationale, notamment par la transcription des normes internationales dans les droits internes, demeure insuffisante, d'où la nécessité de se pencher sur l'étude de l'effectivité, en s'attachant ici au pôle « réaliste » du droit pour en questionner l'efficacité et l'efficience. En s'intéressant à l'appréciation de l'effectivité du droit de l'environnement, il s'agit de faire apparaître les progrès réalisés en matière de développement durable, imputables à l'application de ce droit.
Droit jeune, multidisciplinaire et aux techniques spécifiques, le droit de l'environnement ne fait pas toujours l'objet d’un enseignement systématique dans les écoles de formation initiale des magistrats, ce qui ne favorise pas son appropriation.
L'attitude peu réceptive du juge en matière d'environnement constitue un obstacle majeur à l'application du droit de l'environnement en raison de la place centrale qu'il occupe dans le système judiciaire. En effet, qu'il s'agisse de sanctions civiles pour la réparation des dommages environnementaux causés à autrui, ou de sanctions pénales à l'encontre des auteurs des infractions en matière d'environnement (peines d'emprisonnement, amendes, remise en l'état des lieux) seul le juge est habilité à dire le droit et à prononcer des sanctions pour cause de violation des règles environnementales.
En dehors de la procédure juridictionnelle proprement dite, le juge joue également un rôle non moins important en matière de transaction. En effet, dans de nombreux cas, les textes nationaux prévoient l'intervention du juge dans la procédure transactionnelle. Pour éviter que cette intervention ne reste informelle il est important d'outiller le juge en droit de l'environnement, en vue d'une saine et rigoureuse appréciation des conditions de la transaction, avant que celle-ci ne soit mise en œuvre par l'administration.
Le juge a un rôle majeur à jouer dans la promotion du droit de l’environnement, qui est encore un droit relativement récent dans les États africains.Par ailleurs, le juge a un rôle majeur à jouer dans la promotion du droit de l'environnement, qui est encore un droit relativement récent dans les États africains. En effet, au-delà de la sanction, il peut jouer un rôle d'éducation et d'information des populations lors des procès environnementaux, et ce, dans un contexte socio-culturel peu favorable à la pleine réalisation du droit de l'environnement (pesanteurs socioculturelles, analphabétisme, ignorance).
Au regard de leur rôle majeur, il apparaît utile de promouvoir le droit de l'environnement auprès des juges pour résoudre efficacement les conflits environnementaux. En appliquant les sanctions prévues par les textes en vigueur dans la résolution juridictionnelle des conflits environnementaux, en intervenant de manière éclairée dans la procédure transactionnelle et en sensibilisant, puis informant les populations lors des procès environnementaux, le juge contribue efficacement à la pleine application du droit dans sa dimension préventive, réparatrice et répressive.
Le magistrat n'étant pas un acteur isolé de la justice, l'impact du renforcement de ses capacités en matière de mise en œuvre du droit de l'environnement pourrait s'avérer partiel si l'activité judiciaire n'était pas appréhendée dans sa globalité, prenant en compte ses collaborateurs multiples dans l'action juridictionnelle. Parmi ces auxiliaires, les officiers de police judiciaire (OPJ) et les agents de police judiciaire (APJ) jouent un rôle particulièrement important en matière de répression des infractions environnementales, car ce sont eux qui ont la charge (avec les agents spécialisés des administrations de l'environnement) de constater et de faire poursuivre devant les tribunaux compétents les auteurs des infractions environnementales. Pourtant, le constat fait en la matière fait ressortir que ces derniers se préoccupent peu des infractions environnementales par rapport aux infractions classiques, soit par ignorance des textes qui leur donnent compétence dans ce domaine, soit par la conviction que le personnel spécialisé des administrations environnementales est mieux à même de réprimer ces infractions.
Dans ces conditions, leur formation s'avère capitale car elle peut contribuer à ce que ce personnel alimente mieux les juridictions en poursuites. Enfin, le juge ne s'autosaisit pas, il est alors important de susciter une saisine plus systématique de la justice par les acteurs de la société civile, qui ignorent le plus souvent les conditions et les procédures judiciaires.
Pour s'adapter aux réalités changeantes du monde et compte tenu de la persistance des défis environnementaux, les formations en droit de l'environnement deviennent de plus en plus indispensables pour les magistrats et les auxiliaires de justice. Par ailleurs, on compte déjà à travers le monde plus de 800 tribunaux environnementaux dans plus de 50 pays, en plus de tribunaux de juridiction générale également saisis pour des questions environnementales. Le besoin de renforcer les compétences des magistrats en droit de l'environnement, d'encourager des pratiques contribuant à la promotion de l'état de droit dans la communauté internationale et en particulier pour les questions environnementales, de partager les expériences, la jurisprudence et les bonnes pratiques, devient de plus en plus important pour appliquer et faire respecter les textes juridiques visant la protection de l'environnement.